Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 octobre 2012 2 23 /10 /octobre /2012 09:31

Le mouton est mal placé pour juger ; aussi voit-on que le berger de moutons marche devant, et que les moutons se pressent derrière lui ; et l'on voit bien qu'ils croiraient tout perdu s'ils n'entendaient plus le berger, qui est comme leur dieu. Et j'ai entendu conter que les moutons que l'on mène à la capitale pour y être égorgés meurent de chagrin dans le voyage, s'ils ne sont pas accompagnés par leur berger ordinaire. Les choses sont ainsi par la nature ; car il est vrai que le berger pense beaucoup aux moutons et au bien des moutons ; les choses ne se gâtent qu'à l’égorgement ; mais c'est chose prompte, séparée, et qui ne change point les sentiments.

Les mères brebis expliquent cela aux agneaux, ensei­gnant la discipline moutonnière, et les effrayant du loup. Et encore plus les effrayant du mouton noir, s'il s’en trouve, qui voudrait expliquer que le plus grand ennemi du mouton, c'est justement le berger. « Qui donc a soin de vous ? Qui vous abrite du soleil et de la pluie ? Qui règle son pas sur le vôtre afin que vous puissiez brouter à votre gré ? Qui va chercher à grande fatigue la brebis perdue ? Qui la rapporte dans ses bras ? Pour un mouton mort de maladie, j'ai vu pleurer cet homme dur. Oui je l'ai vu pleurer. Le jour qu'un agneau fut mangé par le loup, ce fut une belle colère ; et le maître des bergers, providence supérieure et invisible, lui-même s'en mêla. Il fit serment que l'agneau serait vengé ; il y eut une guerre contre les loups, et cinq têtes de loup clouées aux portes de l'étable, pour un seul agneau. Pourquoi chercher d'au­tres preuves ? Nous sommes ses membres et sa chair. Il est notre force et notre bien. Sa pensée est notre pensée ; sa volonté est notre volonté. C'est pourquoi, mon fils agneau, tu te dois à toi-même de surmonter la difficulté d'obéir, ainsi que l'a dit un savant mouton. Réfléchis donc, et juge-toi. Par Quelles belles raisons voudrais-tu désobéir ? Une touffe fleurie ? Ou bien le plaisir d'une gambade ? Autant dire que tu te laisserais gouverner par ta langue ou par tes jambes indociles. Mais non. Tu comprends bien que, dans un agneau bien gouverné, et qui a ambition d'être un vrai mou­ton, les jambes ne font rien contre le corps tout entier. Suis donc cette idée ; parmi les idées moutonnières, il n'y en a peut-être pas une qui marque mieux le génie propre au vrai mouton. Sois donc au troupeau comme ta jambe est à toi. »

L'agneau suivait donc ces idées sublimes, afin de se raffermir sur ses pattes ; car il était environné d'une odeur de sang, et il ne pouvait faire autrement qu'en­tendre des gémissements bientôt interrompus ; et il pressentait quelque chose d'horrible. Mais que crain­dre sous un bon maître, et quand on n'a rien fait que par ses ordres ? Que craindre lorsque l'on voit le berger avec son visage ordinaire et tranquille ainsi qu'au pâturage ? A quoi se fier, si l'on ne se fie à cette longue suite d'actions qui sont toutes des bienfaits ? Quand le bienfaiteur, quand le défenseur reste en paix, que pourrait-on craindre ? Et même si l'agneau se trouve couché sur une table sanglante, il cherche encore des yeux le bienfaiteur, et le voyant tout près de lui, attentif à lui, il trouve dans son cœur d'agneau tout le courage possible. Alors passe le couteau ; alors est effacée la solution, et en même temps le pro­blème.

 

13 avril 1923

Alain, « Propos sur les pouvoirs ».

Partager cet article
Repost0
22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 22:34

Aujourd’hui, la parole au Commandant Léon Allah Kouakou, porte-parole du ministère de la Défense

 

 

(…)

 

N-S : Selon nos informations, [l’attaque de Bongouanou] a été précédée d’une rumeur annonçant un possible assaut. Comment les forces de l’ordre ont-elles pu se laisser surprendre aussi facilement ?

 

Cdt LAK : Oui mais, c’est là le drame. C’est en cela que moi je dis qu’il faut que chacun doit faire correctement son travail. Quand on a enregistré la première grosse attaque sur le camp militaire d’Akouédo, les hommes, dans les différentes unités, devaient être suffisamment alertés sur le danger. Ce qui n’est pas le cas. Chaque jour, on enregistre des attaques. Où allons-nous avec tout ça ? Il va falloir qu’un diagnostic sérieux soit fait et que désormais, on situe pleinement les responsabilités. Plus d’un an et demi après la fin de la crise postélectorale, on ne peut continuer à vivre dans cette ambiance délétère. 18 armes emportées en une seule nuit, ça fait trop. On doit situer les responsabilités.

 

Entretien réalisé par M. Dossa (extrait)

Source : Nord-Sud 22 octobre 2012 

Partager cet article
Repost0
22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 22:26

« Vié pèr», c’est ainsi que les enfants, petits enfants et connaissances de Monsieur Lasagessse l’appellent. Ce rescapé de la crise militaro-politique qui endeuille la Côte d’Ivoire depuis septembre 2002, étonne plus d’un. Par le regard qu’il porte sur le monde. Victime de licenciement abusif par application de la politique nationale du rattrapage, il répond toujours à tous ceux qui compatissent à son malheur, par un sourire. Parfois, cet avare en parole lâché dans des lieux publics, libère du bout des lèvres quelques mots : « C’est la vie ». Une République transformée en une jungle où pour qu’il puisse vivre et régner, l’autre, c’est-à-dire celui qui a été et demeure proche de Laurent Gbagbo, doit fatalement mourir. Mourir en prison ou en exil, mourir tétanisé par la terreur ambiante, mourir reclus dans son propre pays, exproprié de ses doits les plus élémentaires. Un pro-Gbagbo ou supposé comme tel qui est quotidiennement pourchassé, justement comme dans une jungle pour être broyé par des fauves animé d’un pitoyable instinct de survie. C’est dans cette jungle qu’ont subitement fleuri des expressions assassines comme aseptiser, nettoyer, éradiquer. Ceci pour en finir avec ces pro Gbagbo qui, subitement devenus fous, selon l’expression du journal du Rdr « Le patriote », veulent s’allier à des coupeurs de bras d’Ançar Dine. En fait comme des lépreux du temps de la Rome antique on aurait tellement voulu les voir circuler partout avec des clochettes pour que toute la planète s’écartât de leur chemin ! […] Pour preuve, comme le fait remarquer le sachant Aristide Silué, tous les charniers déjà découverts et les génocides en cours sous le silence complice et coupable des amoureux protecteurs des droits de l'Homme, ne sont-ils pas des bouquets de roses offerts par le maître charmeur de serpents aux spectateurs du monde ? Le sourire toujours aux lèvres, il raconte à ces nombreuses victimes du système « D » à la recherche de sommeil et parfois, de piment dans leur vie, l’histoire du charmeur de serpent. Celle-ci, inéluctable somnifère commence toujours ainsi : Il était une fois, dans ce pays de l’hospitalité, un Bélier venu de Yakro. Le bâtisseur en fin de règne, fit venir du désert environnant, un maître charmeur de serpents. Lui-même grand Python déguisé. Réputé faiseur de miracles. De miracles, point. Depuis son irruption sur la terre d’espérance. Bien au contraire ! Salaire à double vitesse. Torture nocturne d’étudiants de la cité de Yop endormis. Braquage de la démocratie le 18 février. Le Bélier parti, quel sacrifice ! Les traces du lourd héritage laissé aux Eburnéens, sont partout visibles : bagarre entre pachydermes pour le contrôle du plus vieux parti. Naissance du monstre à plusieurs têtes, initiateurs de la charte du Nord. Une créature qui élève sous sa case, des serpents au venin mortel. A l’image des justiciers, fossoyeurs du temple de Thémis : « Allez ! Tous les pro-Gbagbo au trou ». Général Dogbo Blé : 15 ans de prison. Pour avoir fait «son travail » en défendant comme tout bon soldat, la République attaquée. Commandant Séka ? « 15 ans de prison » probablement, pour la mort du général Guéi. Colonel Babri ? Au cimetière. Et les meurtriers des 80 gendarmes non armés, exécutés par les serpents du maître charmeur à Bouaké ? « Zéro an de prison ». Et les assassins des ministres Boga Doudou, Désiré Tagro, des officiers Dali Oblé, Dagrou Loula ? « Zéro an » ! Et les agresseurs du ministre J.-J. Béchio, de Michel Gbagbo, fils du supplicié de la Haye, du gouverneur Dakouri, du député et Première dame, Simone, tous battus à sang et humiliés comme le révèlent les vidéos sur Youtube ? « Zéro an de prison ».

Quant à Amadé Ouédraogo, il exproprie et amplifie le génocide Wê. Charnier. Occupation des biens mobiliers et immobiliers… « Mais vié pèr, pourquoi Dieu permet tout ça » ? Coupe, en sanglots, un des jeunes qui écoutaient jusque-là sans mot dire. Réponse de Lasagesse : « Voyez-vous comment dans les écritures, des justes ont longtemps souffert de la méchanceté du diable ? Sous le regard de Dieu, son serviteur Job n’a-t-il pas été réduit en loque humaine On pense à l’histoire de Daniel, l’esclave devenu héros.

 

Francesca Adeva

 

EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».

 

Source : Le Temps 19 octobre 2012

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 15:07

Vingt ans après, le même scenario…

Qui donc tient tant à nous brouiller avec le Ghana ?

 

La tentative d’enlèvement de l’ancien ministre Justin Katinan Koné à l’aéroport d’Accra en vue de le livrer aux sbires du régime fantoche d’Abidjan, ressemble comme une goutte d’eau à une autre tentative de la même nature survenue vers la fin de l’année 1992, une année particulièrement riche en traquenards ourdis par le gouvernement alors dirigé par Alassane Ouattara contre l’opposition légale. Il s’agit de l’enlèvement du professeur Marcel Etté. Planifié à partir de la Côte d’Ivoire ­– ce qui ne veut pas nécessairement dire : « planifié par des Ivoiriens pur jus ! » –, ce complot aussi fut déjoué in extremis, grâce notamment à la vigilance des autorités frontalières ghanéennes.

J’ai retrouvé l’article que « Téré », l’éphémère organe du Parti ivoirien du travail (Pit), consacra en son temps à cette rocambolesque affaire ; je le livre à nos lecteurs comme une pièce à conviction et comme un indice pour orienter la recherche des éventuels commanditaires de ces actes de piraterie.

Il est particulièrement intéressant de comparer l’article de « Téré » traitant de l’affaire Etté avec celui que « Le Nouveau Courrier » vient de consacrer à l’affaire Katinan. A vingt ans de distance, l’histoire semble vouloir se répéter à l’identique. C’est que, très probablement, ceux qui étaient à la manœuvre en 1992 et ceux qui sont à l’œuvre aujourd’hui, sont des gens la même sorte, agissant pour les mêmes intérêts, et n’ayant rien à voir avec les Ivoiriens ni avec la Côte  d’Ivoire, même s’ils poussent toujours devant eux des Bakayoko, des Ahoussou, des Kouadio, des Konan et des Ouattara comme au temps du gouverneur Angoulvant.

Marcel Amondji 

 

 

Koné Katinan, un enlèvement illégal qui a fait pschitt ?

Le Nouveau Courrier 26 août 2012

  

Koné Katinan Justin, porte-parole du Président Laurent Gbagbo, accompagné de l’avocate Lucie Bourthimieux, a séjourné en Afrique du sud du 19 au 24 août 2012, muni d’un visa régulier. Il y a eu des contacts très fructueux dans le cadre de la mission que lui a confié Laurent Gbagbo. A l’issue de son voyage il est arrivé à l’aéroport International d’Accra Kotoka par un vol régulier de la compagnie aérienne South African Arways. C’est à sa sortie de l’aéroport, après toutes les formalités usuelles et dans l’attente de son chauffeur que Koné Katinan a été interpellé par des policiers dont découvrira par la suite qu’ils sont de Interpol Ghana. Ces derniers, notoirement dans un deal avec le pouvoir Ouattara, à l’insu des autorités ghanéennes, ont voulu remettre Katinan dans l’avion pour le livrer à Abidjan comme ce fut le cas du Commandant Anselme Séka Yapo depuis l’aéroport de Lomé.

L’avocate Lucie Bourthoumieux s’y est opposée de manière très ferme et a clairement indiqué aux que la destination finale de son client était Accra et non Abidjan. C’est sur ces discussions que l’affaire atterrit à la police de l’immigration de l’aéroport et ensuite au BNI (Bureau National d’investigation )… DST ghanéenne. Là-bas, tout le monde est surpris par ce qui apparait visiblement comme un enlèvement organisé par le pouvoir ivoirien avec la complicité manifeste de certains policiers du Ghana. On parle même d’une affaire de gros sous.

L’on comprend pourquoi c’est précisément d’Abidjan qu’on apprendra en «exclusivité» l’arrestation de Katinan et son extradition imminente sur Abidjan comme le signale Le Patriote, journal porte-voix du pouvoir dans son édition du Samedi 25 août 2012. On a même signalé une grande effervescence faite de joie, d’affrètement d’avion spécial et de l’avènement du doyen des juges d’instruction du Tribunal d’Abidjan pour finaliser à Accra, les formalités judiciaires pour l’extradition illico presto de Koné Katinan, présenté comme un « activiste pro Gbagbo pour qui sonnait la fin de cavale ». Cette fausse information relevant purement de l’intoxication gouvernementale a malheureusement été reprise par les médias internationaux AFP, BBC, RFI et autres. Aucun avion, aucun juge n’a été aperçu dans la capitale ghanéenne. Le Ghana qui est un pays respectueux du droit et particulièrement jaloux de son indépendance et de sa souveraineté ne s’est jamais senti ni concerné ni influencé par les agitations du pouvoir Ouattara.

Après le week-end, Koné Katinan sera surement libre de ses mouvements bénéficiant de la protection constitutionnelle de l’Etat ghanéen en sa qualité de réfugié politique. En effet la Constitution ghanéenne, renforcée par des lois pertinentes, interdit formellement et de manière explicite l’extradition d’un réfugié surtout pour des motifs politiques.

Après le coup foireux de Katinan présenté en son temps par Ouattara himself comme étant au centre d’une négociation avec le président camerounais Paul BIYA en vue d’une extradition, voici de nouveau une rocambolesque affaire d’enlèvement crapuleux qui échoue une fois de plus de la manière la plus lamentable.

 

(Source : Connectionivoirienne.net 26 août 2012)

 

 

@@@@

 

 

Etté Marcel enlevé par qui ? et pourquoi ?

Téré n°14, 3 novembre 1992

 

 

La Côte d'Ivotre est un Etat bien curieux qui se permet d'enlever d'honnêtes ivoiriens en territoire étranger. Au mépris de toute clause d'extradition. Au moment où le Ghana vit à L'heure des élections présidentielles ; qu'il a d'autres chats à fouetter qu'à livrer des armes à l'opposition ivoirienne pour déstabiliser un régime aux abois, l'enlèvement d'Etté Marcel à Accra relèved'un non-sens . Dans cette ridicule mais rocambolesque affaire pilotée de main de maître par James Scott, l'agent double, il faut savoir raison garder.

Que s'est-il passé ? 

Le 12 Juillet 1992, Monsieur Paul Tedga écrit au professeur Etté Marcel, secrétaire général du Synares pour une participation à la rédaction d'un ouvrage collectif sur les universités africaines du XXIe siècle. Cet ouvrage qui sera édité par les éditions L’Harmattan et qui est actuellement suivi par Mme Monique Chasmovian, directrice littéraire. Pour cela Etté Marcel a reçu la mission d'écrire le chapitre 07 du livre sur les rapports entre les universités africaines et les pouvoirs politiques africains, en tant que universitaire et grand dirigeant syndicaliste. Le communiqué de Presse adressé aux journaux par le Pr. Etté Marcel souligne bien qu'il y est pour des interviews et des enquêtes dans le but de finaliser son chapitre. Le livre doit être  prêt avant fin 1992 et doit paraître en 1993. Voici les faits !

James Scott : un agent double 

Le 04 Octobre 1992, James Scott, espion ghanéen à Abidjan, celui-là même qui a dirigé l'orchestre de la RTI et qui est en réalité un agent double, puisqu'il s'est fait racheter par la Côte d'Ivoire, donnant des informations au Ghana, à Rawlings (son ami d'enfance) et à Houphouet, intervient. A bord d'une peugeot 205 immatriculée AN 5225 CM, et avec l'aide d'une cammarilla à la solde du Pdci, (policiers ghanéens ? ou loubards ?) au nombre de 5 personnes, ils enlèvent Etté Marcel pour le ramener en Côte d'Ivoire. A la frontière la police ghanénne les coince et saisit le gouvernement ghanéen qui les fait ramener à Accra. Il faut signaler que d'Accra à Elubo il n'y a pas de poste de police pendant la journée. Un malfrat réussit à prendre la fuite. James Scott, l'espion double visage, et les autres sont emprisonnés et l'ambassadeur des Etats-Unis au Ghana son excellence Kenneth Brown est saisi aussitôt de l'affaire. Etté Marcel aux mains et sous la protection de Rawlings, les agents de la sécurité ivoirienne qui attendaient à la frontière rentrent bredouille. Que se serait-il passé si la bande à James Scott avait pu ramener Etté Marcel en territoire ivoirien. Encore un complot qui aurait été sûrement et rondement mené. N'est-ce pas là une intrigue pour salir Jerry Rawlings en cette période d'élection ou le Pdci, semble-t-il, soutient un candidat opposé à Rawlings ?

L'opposition n'a pas intérêt à ne pas ouvrir les yeux. Le complot guette. Si l'opposition doit s'armer, ce nest sûrement pas un homme aussi connu et aussi populaire qu'Etté Marcel qui s'en ira chercher les armes au Ghana.

 

N'Guetta Kouamé

(Source : Archives personnelles de Marcel Amondji)

 

 

@@@@

 

 

Une bien étrange circulaire

 

Lors de l’affaire Etté, il y eut en France un début de campagne d’intoxication de l’opinion publique visant à reproduire l’effet Biafra, c’est-à-dire : à dresser les milieux progressistes de France contre le gouvernement ghanéen et le président Rawlings comme on avait réussi, en 1976, à les dresser contre les autorités légitimes du Nigeria contre lesquelles la France menait une guerre non déclarée sous le masque d’une soi-disant révolte nationale des Ibos. On trouvera, ci-dessous, la très étrange lettre-circulaire qu’une certaine Catherine Choquet diffusait à l’époque avec le même zèle que les propagandistes de Foccart… Il faut lire ce texte avec la plus grande attention ! C’est une autre pièce à conviction et un autre indice précieux pour qui veut vraiment chercher à connaître les tenants et les aboutissants de l’affaire en cours. On y voit, inscrite en toutes lettres, l’intention pernicieuse de détourner l’attention des vrais coupables et de leurs commanditaires en accusant le président Rawlings et son gouvernement d’avoir ordonné l’arrestation de Marcel Etté pour d’obscures raisons politiciennes, et même de l’avoir peut-être déjà « liquidé »…

Marcel Amondji 

 

 

Catherine CHOQUET

Fax 1.42.72.34.59

Tel 42.78.33.22 bureau

Tel 42.02.54.92 domicile

 

Paris, le 23 octobre 92

 

Hier matin, j'avais contacté Mme Etté en lui demandant que son fils m'appelle le plus tôt possible d'un autre endroit que leur domicile. Hier soir vers 19 h., j'ai reçu deux appels de Michel Etté (fils de Marcel et frère de Jean) actuellement à Abidjan.

Je lui ai demandé qu'il nous fasse parvenir le maximum d'informations sur son père et son frère, par fax. J'ai donc reçu ce matin, une lettre de Madeleine Etté dont vous trouverez le texte ci-dessous. (J’ai dû refaire la dactylographie, l’original reçu étant peu lisible.)

Les discussions que j'ai eues avec Michel Etté donnaient les informations qui figurent dans la lettre de sa mère. Il évoquait certaines possibilités : Actuellement le Ghana est en pleine campagne pour les élections présidentielles. La Côte d'Ivoire finance les opposants à Rawlings. Marcel et Jean Etté pourraient donc être en résidence surveillée « sous protection » de Jerry Rawlings soit parce que ce dernier souhaiterait obtenir des informations sur la pénétration de son armée par les services ivoiriens, puisque des complicités semblent avoir joué entre la FIRPAC et des militaires ghanéens pour l'arrestation des deux hommes ; soit une négociation pourrait être en cours entre autorités ghanéennes et ivoiriennes, du genre « je vous remets ces hommes, et vous arrêtez de financer mon opposition ». Bref tout est possible, y compris le fait que ces personnes aient déjà été liquidées...

Dans sa lettre Mme Etté fait allusion aux notables de la région de Niablé qui sont intervenus pour empêcher que Marcel et Jean Etté soient remis à la FIRPAC. Michel Etté m’a précisé que la région de Niable était sous contrôle du FPI (Front populaire Ivoirien).

Il est absolument vital d'intervenir auprès des autorités  ghanéennes pour obtenir des informations sur l'état de santé de ces personnes, sur les raisons de leur « arrestation » et de leur maintien en détention ou résidence surveillée.

Si vous faites une déclaration (télégramme, télex ou autre) merci de m'en transmettre copie pour que je puisse passer l'information à Mme Etté. Si vous entrez en contact avec elle, attention son téléphone est sous surveillance et il y a des risques pour elle et sa famille. Je rappelle que toute la famille Etté a la double nationalité française et ivoirienne.

Avec mes remerciements pour votre aide. 

  

(source : Archives personnelles de Marcel Amondji)

 

 

@@@@

 

Vingt ans ! Beaucoup de nos concitoyens aujourd’hui majeurs n’etaient que de très jeunes enfants au moment de ces faits et sans doute la plupart ignorent-ils qui est Marcel Etté et ce qu’il représentait ;  et ceux qui étaient déjà en âge de le savoir l’ont peut-être oublié ; un bref rappel me paraît donc nécessaire.

Au moment du « Printemps ivoirien », au tout début des années 1990, Marcel Etté était la figure emblématique de l’opposition au système de parti unique. L’année précédente, lors des Journés nationales du dialogue, au nom du Syndicat national de la recherche et de l’Enseignement supérieur (Synares) dont il était le secrétaire général, il avait prononcé un véritable réquisitoire contre le régime. Ce qui l’avait rendu très populaire. Mais cela lui avait aussi valu la haine implacable de nos ennemis. Personnalité éminemment consensuelle et universellement appréciée pour son intégrité, Marcel Etté apparaissait comme le candidat idéal de l’opposition au moment où la formation d’un vrai gouvernement d’union nationale apparaissait à tous comme le seul moyen de sortir définitivement de la crise du système politique issu de la soi-disant décolonisation. Il n’est pas interdit de penser que ceux qui tentèrent d’enlever Marcel Etté et, peut-être, de l’éliminer physiquement, visaient avant tout à empêcher qu’un tel processus puisse être conduit jusqu’à son terme.

Les circonstances, ainsi que l’histoire personnelle de Justin Katinan Koné sont certes différentes. Mais l’avantage que se procureraient ses persécuteurs est du même ordre que celui qu’escomptaient les ravisseurs de Marcel Etté : le capturer en vue de le réduire au silence, c’est, pour les vainqueurs du 11-Avril 2011, éliminer un témoin des plus gênants. Souvenez-vous de Désiré Tagro, de Phillipe Rémond, d’Yves Lambelin…, tous lâchement assassinés non pour ce qu’ils avaient fait, mais pour ce qu’ils savaient du vaste complot ourdi par leurs assassins en vue d’installer Alassane Ouattara au pouvoir.

Pour conclure (provisoirement) ce dossier, voici un extrait de l’article que j’avais consacré à l’affaire Etté dans Le Nouvel Afrique Asie N°40 de janvier 1993.

Marcel Amondji

 

 

UNE TENEBREUSE AFFAIRE

 

  

 

Bien curieuse affaire que celle au centre de laquelle se trouve le professeur Marcel Etté, le secrétaire général du SYNARES, depuis le 20 septembre dernier. D’autant plus que cette affaire ne semble pas avoir soulevé beaucoup d’émotion dans les milieux politiques et syndicaux d’un bord ou de l’autre. D’autant plus, aussi, qu’elle eut lieu dans une période où on pouvait constater de très nombreux signes de détente entre le pouvoir et d’autres opposants dont pourtant on le dit proche. Parti au Ghana le 20 septembre « dans le cadre d’une enquête pour la rédaction d’un ouvrage collectif » sur les universités africaines du XXIè siècle – une idée de Paul Tedga, dit-on –, son absence ne devait pas d’abord excéder le temps d’un week end ; mais, à l’heure où ces lignes sont écrites, le professeur Marcel Etté n’a toujours pas rejoint son domicile. On sait néanmoins qu’il se trouve à Accra et qu’il est, en principe, hors de danger.

Dès le début du mois d’octobre, la rumeur d’une tentative d’enlèvement du leader syndicaliste pendant son séjour à Accra envahissait Abidjan. Pourtant, ce n’est qu’à la fin du même mois, dans sa livraison du 31 octobre-1er novembre, que l’officieux Fraternité Matin donna corps à cette rumeur dans une manchette ambiguë en forme d’affichette : « "Tentative d’enlèvement" du S. G. du SYNARES ? Marcel Etté jamais inquiété. Le S. G. du SYNARES déclare à l’AFP s’être réfugié au Ghana suite à une tentative d’enlèvement. Le gouvernement dément et déclare que M. Etté est libre de tout mouvement en Côte d’Ivoire et ailleurs. » Restée muette jusque là, la presse d’opposition s’empara alors de l’affaire, mais avec une sobriété et un détachement qui peuvent surprendre, quand on se rappelle les nombreuses chroniques passionnées que, à peine un mois plus tôt, les mêmes journaux et parfois les mêmes journalistes consacraient à la ténébreuse « affaire Drobo II », du nom de ce guérisseur ashanti qui prétendait détenir le secret de guérir le SIDA !

Dans ses livraisons des 3 et 4 novembre, le quotidien La Voie (proche du FPI) publia une interview du professeur M. Etté dans laquelle ce dernier dément le démenti du gouvernement en faisant le récit détaillé de sa mésaventure des 4, 5 et 6 octobre à Accra et à la frontière ivoiro-ghanéenne, face à la localité de Niablé. Attiré d’abord dans un guet-apens à l’intérieur d’une villa discrète, séquestré ensuite dans un local du centre-ville par des hommes armés, il fut emmené le lendemain jusqu’à la frontière, en un point où s’étaient rassemblés des « policiers, gendarmes et militaires » ivoiriens assez peu discrets et même provocants. Là, le voyage fut interrompu parce la méfiance des autorités frontalières ghanéennes avait été alertée par cette activité inhabituelle, et par l’impossibilité où se trouvèrent les ravisseurs de prouver par des pièces officielles qu’ils exécutaient un ordre d’une autorité ghanéenne. C’est à cela que le secrétaire général du SYNARES doit aujourd’hui d’être encore au Ghana, libre, retenu seulement, assure-t-il, pour les besoins de l’enquête diligentée par les autorités ghanéennes. Quant à ses ravisseurs, ils auraient été emprisonnés.

On doit rapprocher de cette affaire un incident survenu à l’aéroport d’Abidjan le 27 septembre dernier, et qui alimenta des rumeurs d’après lesquelles l’un des fils du professeur M. Etté avait été arrêté alors qu’il transportait une bombe dans sa valise. Ce jour-là, l’appareil d’Air Ivoire en provenance d’Accra fut fouillé de fond en comble. L’un des passagers fut sauvagement malmené ; c’était un Métis, mais ce n’était pas un Etté… A quelques jours près, le coup était réussi pour autant, bien entendu, que ce fût lui qu’on chercha à piéger : l’un des fils du professeur M. Etté était allé au Ghana avec son père le 20 septembre, puis il était revenu à Abidjan, mais c’était avant le 27…

Le professeur M. Etté n’écarte pas l’hypothèse d’une machination tramée autour de sa personne. Il paraît au moins vraisemblable que, entre le 20 septembre et le 6 octobre, quelqu’un a bel et bien tenté de l’impliquer à son insu dans une situation compromettante, et que l’entreprise ne manqua son but que grâce à une série de hasards. Encore que, hypothèse la moins sauvage, si le but n’était que d’écarter momentanément un personnage gênant sans nécessairement attenter à sa vie, ce résultat puisse s’analyser comme un succès : la prolongation sine die du séjour du secrétaire général du SYNARES à Accra n’équivaut-il pas à un exil forcé ? Et c’est à ce moment où, de toute évidence, la vie politique aborde un important virage, peut-être vers la formation d’un gouvernement intégrant des personnalités de l’opposition politique et syndicale.

(…).

 

Marcel Amondji

(Source : Archives personnelles de Marcel Amondji)

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 14:56

L’épisode de la décision unilatérale de fermeture avec fracas le 21 Septembre et de réouverture sans bruit le 08 Octobre 2012 par Abidjan des frontières entre le Ghana et la Côte d’Ivoire met en lumière les turpitudes du pouvoir en Côte d’Ivoire.

A notre connaissance, aucune négociation n’a été entreprise par le Ghana au sujet de cet acte du gouvernement ivoirien, pris au mépris des règles élémentaires des relations diplomatiques.

Dans l’imagerie de certains groupes ethniques, on dirait « le batteur de tam-tam bat la mesure et danse concomitamment », pour traduire le tragi-comique d’une telle situation. Ou encore, si le ridicule tuait.

A l’analyse ne s’agit-il pas d’un acte de souveraineté ? Pour un Etat souverain, fermer ses frontières, les rouvrir, déclarer la guerre à autre Etat, battre monnaie sont des actes à engager pour assurer en cas de besoin la survie de la Nation en se fondant sur ses propres valeurs, sans obligatoirement se référer à l’extérieur.

Pour un pays comme le Ghana, N’Krumah, puis plus tard J.J. Rawlings ont inscrit en lettres d’or la souveraineté dans et de la Constitution. Les autorités ont respecté la « souveraineté de la République de Côte d’Ivoire ». Les Autorités du Ghana ont donc certainement pris acte et se sont vraisemblablement organisés sur tous les plans pour faire face à ce défi. Les parlementaires en ont été instruits pour engager l’ensemble de la Nation si nécessaire.

Qu’en est-il de la Côte d’Ivoire ?

Le mobile invoqué pour la fermeture, une attaque en provenance du territoire ghanéen brandi par la Côte d’Ivoire a été battu en brèche le jour même par un fonctionnaire des services de sécurité du Ghana sans autre réaction des Autorités ivoiriennes jusqu’à la réouverture des frontières ; légèreté des services de défense et diplomatiques.

Il n’est pas évident qu’une instance, fut-ce le conseil des Ministres, ait été informée de cette décision lourde de conséquences encore moins le parlement ; légèreté constitutionnelle.

Cette décision émane de surcroît du Président en exercice de l’instrument de coopération le plus important de la sous-région sans concertation aucune avec les instances de la CEDEAO; légèreté des engagements.

Pis, la décision de réouverture a été prise de Paris sans référence aux institutions de la Nation; absence évidente de souveraineté.

Pour en rajouter au tragi-comique, sachez que les deux préfets, celui du Faso du Nord, le Burkina, et celui du Faso du Sud, le Dozoya ont reçu l’injonction de rouvrir les frontières au moment où ils rendaient compte à Paris, Capitale de la Métropole de l’instrument le plus achevé de l’aliénation de notre souveraineté, la monnaie, le FCFA.

C’est vrai, les Préfets s’appellent autrement Gouverneurs. L’ancien Gouverneur est devenu Préfet ; La « Tantie » a eu raison.

 

Hervé AMANI, Sociologue

 

 

EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

 

Source : civox.net 10 Octobre 2012

(Titre original : « Vraiment il est préfet »)

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 14:26

Les problèmes auxquels la justice ivoirienne est confrontée en ce moment sont inquantifiables. Le palais de justice d’Abidjan-Plateau est le lieu par excellence où le sombre tableau des difficultés qui caractérisent cette justice s’étale au grand jour.Tenez, en matière pénale, où la liberté du prévenu ou de l’accusé ne tient très souvent qu’à l’humeur d’un juge, le tribunal ne dispose pas, depuis belle lurette, d’interprêtes assermentés pour mettre au même niveau de compréhension les juges et le(s) mis en cause lors du procès. «L’Eléphant», qui suit de près les audiences correctionnelles afin d’observer les conditions dans lesquelles la justice statue sur le sort des individus présumés innocents d’une infraction, a pu se rendre compte de ce déficit d’interprêtes dans un « grand palais de justice » comme celui d’Abidjan-Plateau. Voyez  vous-mêmes. Le mardi 29 mai 2012, il est 14 heures 45 minutes lorsque la prévenue Cissé Nassénéba, poursuivie par le parquet pour escroquerie, est appelée à la barre pour répondre de ses actes. Le hic, c’est que la mise en cause, arrêtée en face du juge pour se défendre, ne comprend pas un traître mot de la langue de Molière. Elle ne s’exprime uniquement qu’en malinké, dialecte qu’évidemment, les membres du tribunal ne comprennent pas. Le président du tribunal demande alors de l’aide dans la salle une première fois. Mais personne ne réagit. Cissé Nassénéba est donc priée de regagner le box des accusés à nouveau en entendant qu’un interprête de circonstance soit trouvé. C’est finalement après avoir jugé cinq (5) autres prévenus que le juge rappelle de nouveau la dame à la barre. « Y a-t-il quelqu’un dans la salle qui pourrait nous aider à traduire les propos de la prévenue ? », interroge encore le président. Une dame volontaire pour qui ce dialecte n’a aucun secret se lève dans le public pour venir jouer le rôle d’interprète de circonstance. Sur la traduction de cette dernière, la prévenue est déclarée non coupable. Mais la recherche d’un traducteur assermenté n’a guère préoccupé les responsables du tribunal. Car, trois mois plus tard, l’on revivra la même situation dans le même tribunal. Le mercredi 22 août 2012, à notre passage, à 12 heures 00, au même endroit pour le suivi des audiences correctionnelles, la situation de deux prévenus (nous n’avons pas pu avoir les noms pour défaut d’affichage) d’origine ghanéenne appelés à la barre pour s’expliquer sur les faits qui leur sont reprochés par le procureur, a attiré notre attention. Devinez ! Les deux individus, anglophones, ne comprennent que l’anglais et le juge, lui, ne connaît que vaguement, quelques mots de la langue de Shakespeare. Conséquence donc, il va retourner dans le box des accusés dans l’hypothétique espoir qu’une personne de bonne volonté accepte encore de jouer gratuitement le rôle d’interprète. Il n’y a eu aucun volontaire pour traduire les propos des prévenus. Et les malheureux n’ont pu être jugés. Dossier renvoyé à une autre date. Et peu importe ce que cela peut coûter aux prévenus. « Y a-t-il un traducteur volontaire dans la salle » ? Comment veut-on faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 avec une justice pareille ?

 

Noël Konan

Titre original : «Y a-t-il un interprète volontaire dans la salle ? »

 

EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

le-cercle-victor-biaka-boda

 

source : L’Eléphant déchaîné 31 août-3 septembre 2012

 

 

EN GUISE D’ILLUSTRATIONS…

 

Au tribunal de Dimbokro : parler français ou aller au violon

 

Triste mercredi pour Koffi Kouassi Jean. Venu témoigner sur le litige forestier qui oppose son village à la société Beuglot Frères, il n'a pas eu le temps de déposer à la barre du tribunal de Dimbokro. Sur ordre du président Teny Gbayero, il a été conduit au violon. Tout simplement parce que le témoin a émis le voeu de parler dans sa langue maternelle qu’est le baoulé.

« Gardes, menottez-le et faites-le sortir de la salle ! On s’occupera de lui après. » C’est la suite de la requête : « Monsieur le président, mon français n’est pas bon. Je préfère parler en baoulé » formulée par le témoin Koffi Kouassi Jean. Les surveillants pénitenciaires se sont emparés de lui pour le conduire au violon. 

L’audience s'est tenue sans ce témoin venu d’Aboutoukro (84 Km) sur convocation du tribunal.

ton du tribunal. Le geste du magistrat a créé un  désordre momentané dans la salle. « Est-ce qu’on est obligé de perler dans une langue qu’on ne maîtrise pas ? ». « Nous ne sommes pas des Blancs. » «Le juge veut nous intimider», entendait-on ici et là dans la salle.

M.Koffi Kouassi, dit Aboutou, le principal inculpé, quqlifie la réaction du président du tribunal de Dimbokro de « logique par rapport à la négligence que celui-ci affiche vis-à-vis du problême forestier. Il ne peut pas agir autrement quand it pense que c'est par le fruit du hasard que les arbres abattus

se sont retrouvés dans nos plantations. Et que les arbres ne sont pas notre propriété, pourtant quand il y a la sécheresse, c'est nous qui en souffrons d'abord », a-t-il conclu.

Koffi Kouassi Jean a donc payé 2000 F de frais de transport pour se retrouver en prison. Parce qu’il ne peut pas s’exprimer dans la langue de Molière. Alors que devient le poste du traducteur du tribunal de dimbokro ? Violente question.

 

Doua Gouli - Ivoir’Soir 15,16,17 décembre 1995

(source : Archives Marcel Amondji)

 

 

 

« Souvenirs d’un enfant de Bingerville »*

« Avant d’aborder l’apprentissage du fran­çais, la plupart des écoliers de notre pe­tite ville étaient déjà des polyglottes, pour ainsi dire, congénitaux. Nous parlions tous, outre notre langue maternelle, le baulé et le bambara ou dyula. Tout au moins, les formes rudimentaires dans lesquelles ces deux idiomes s’étaient répandus dans toute la colonie sur les traces des conquérants, et s’étaient imposés comme langues d’usage, notamment sur les marchés. Cela n’est vrai, naturellement, que de ceux dont la langue maternelle n’était ni le baulé ni le bambara. Les autres n’avaient besoin de connaître que l’un ou l’autre de ces deux idiomes. Ainsi, nous avions tous deux ou trois langues naturelles, une pour la mai­son, une ou deux autres pour la rue. Ces langues, nous les avions apprises Dieu sait comment. Sans effort et sans fatigue en tout cas. Et, naturellement, nous en usions sans nous préoccuper le moins du monde ni de leurs beautés, ni de leur richesse, ni de leur efficacité expressive. On nous aurait aisément persuadés qu’elles étaient vouées à s’effacer dans l’année même devant le fran­çais… Ce qui ne coûte pas d’effort ni de fatigue a-t-il une valeur et mérite-t-il qu’on y tienne ?

Quant au français... Ah ! le français !...

Chacun de nous conserve dans le vif de sa mémoire les jalons de ses progrès, les stigmates des ef­forts soutenus pour passer d’une étape de ce dur apprentissage à l’autre, et des coups endurés, les cicatrices de sa vanité blessée un jour où il fut le seul de sa classe à tomber dans un subtil piège grammatical que tous les autres avaient éventé... Mon pauvre oncle avait bien tort de s’in­quiéter en nous voyant tellement heureux autour du syllabaire ébrié ! Il n’y avait au­cun danger que nous renoncions à conqué­rir un bien si précieux quelque souffrances que cette aventure nous promît.

Tout ce que nous éprouvâmes, l’interprète-catéchiste l’avait certainement éprouvé avant nous. Lui aussi avait couru cette car­rière. Et puis, pour une raison quelconque, il s’était arrêté, et il avait été rejeté sur la touche. Et désormais il faisait ce métier difficile d’interprète, qui avait déjà perdu beaucoup du prestige qu’il eut du temps de l’interprète principal Coffie, dont le nom et le titre, sous des formes à peine altérées, ont passé dans notre langue pour désigner plaisamment les indiscrets et les importuns, ceux qui s’ingèrent dans les disputes qui ne les concernent pas. Grâce à quoi nous sa­vons avec certitude que les relations entre les derniers Ébrié libres et nos conquérants ne furent ni simples, ni dénuées d’humour. De notre côté du moins.

Y a-t-il encore un cadre des interprètes dans les fonctions publiques des anciennes colonies ? S’ils ont été conservés, il serait intéressant de savoir à quoi on les utilise aujourd’hui. S’ils ont été supprimés ou si on les a laissé s’éteindre, il serait tout aussi intéressant de connaître les motifs de ceux qui l’ont fait ou permis.

Dans son numéro du 10 février 1998, le quotidien Ivoir’Soir paraissant à Abidjan a rapporté les confi­dences d’un certain Nouplézana Ouattara Drissa, haut magistrat dans cette ville. Depuis on en sait un peu plus sur la manière dont les interprètes ont disparu de nos tribunaux : « L’absence d’interprètes au niveau des ju­ridictions dans leur ensemble est due au fait que cette catégorie de personnes appar­tenait au niveau de la fonction publique, au corps des agents temporaires. Certains même étaient des agents journaliers et les autres ont été atteints par la limite d’âge, les nouvelles règles définies au niveau de la fonction publique ne permettant plus de les remplacer. Par conséquent des postes sont restés vacants. » Reste à nous expliquer pourquoi rien ne fut entrepris en temps utile afin de pourvoir au remplacement de ceux que la limite d’âge avait atteints…

Sous l’appellation de gouverneurs ou de préfets, les commandants actuels sont, certes, des indigènes ou des nationaux. Mais d’une part ils ne parlent pas toujours la lan­gue d’usage de leurs administrés et, d’autre part, la langue nationale officielle de nos pays est le français, une langue étrangère à leurs populations aujourd’hui autant qu’elle l’était hier. Au moins, l’existence d’un cadre officiel des interprètes était la recon­naissance de cet état de fait. En le suppri­mant, c’est une promotion extraordinaire et exorbitante qu’on donne au français. On en fait formellement la langue naturelle du pays ; une langue qu’il n’est pas nécessaire de traduire au peuple. Mais la suppression des interprètes n’abolit pas cette réalité tra­gique : la constitution, les lois, les discours solennels des dirigeants de l’Etat, les procla­mations des partis politiques, les journaux et les traités sont rédigés dans une langue que le plus grand nombre des citoyens ne connaissent pas. Dans ces conditions, com­ment les citoyens connaîtraient-ils leurs droits, et comment s’acquitteraient-ils de leurs devoirs, sans des interprètes qualifiés ?

Les Français qui, excepté le Marcel Griaule de Dieux d’eau[1] (et on sait ce qu’il a fait des confidences d’Ogotemmeli !), n’écoutaient pas les indigènes et ne voulaient qu’être obéis d’eux, avaient une conception ori­ginale de la fonction d’interprète. Ainsi, d’après l’administrateur Marc Simon qui a laissé un livre de souvenirs[2] fort instructif, l’interprète principal Coffie ne connaissait aucune des langues parlées dans la région. C’est dire le peu de cas que les colonisa­teurs faisaient déjà des cultures des indi­gènes, ainsi que des supports naturels de ces cultures, les langues, qu’on dira bientôt ver­naculaires, du latin verna, esclave né dans la maison de son maître ! Même si un Maurice Delafosse s’intéressa beaucoup à ces langues vers la même époque, ce n’est que l’excep­tion qui confirme la règle. D’ailleurs, s’est-on assez gaussé de cet administrateur qui se piquait indûment de linguistique ? Les savants insistaient sur son incompétence en la matière, mais aucun d’entre eux n’alla y voir de plus près. Pensez donc, des idiomes nègres ! Parlez-nous plutôt du sanscrit, de l’araméen, de l’égyptien des pharaons... Les langues parlées par les habitants de ces pays qu’on appellerait un jour la France d’Outre-mer ne présentaient aucune espèce d’intérêt pour les colporteurs et les propagateurs de la civilisation occidentale et chrétienne ! »

  

(*) - Extrait d'un livre de Marcel Amondji à paraître aux Editions Anibwe, Paris.


 

1]- Entretiens avec Ogotemmeli, 1948.

2]- Souvenirs de brousse, 1905-1918. Les nouvelles éditions latines, Paris, 1965.

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 14:07

La nouvelle vient de tomber : un tribunal siégeant soi-disant au nom de notre peuple a condamné ce matin Laurent Akoun, le secrétaire général par interim du Fpi à six (6) mois de prison ferme pour trouble à l`ordre public. Mais le vrai motif invoqué par le procureur, ce sont « des propos tenus par le responsable du FPI lors d`une réunion avec des militants, et repris dans la presse ». C’est pour cela qu’il demandait cinq (5) ans d’emprisonnement !

Mais l’écart vertigineux entre le verdict et l’attente du procureur représentant du pouvoir fantoche est un signe : ce tribunal, qui a condamné, avec une précipitation suspecte, et manifestement sur ordres, Laurent Akoun non pour des actes contraires à la loi, mais pour ses opinions et pour son appartenance, a aussi jugé quelqu’un d’autre : contrairement au procureur, les juges du siège ont estimé que la réputation du commandant en chef des Frci ne valait pas si cher…

Marcel Amondji

 

@@@@

 

Procès Akoun : la justice ivoirienne face à elle-même

 

 

 

Procès-miroir. Laurent Akoun face à ses juges, c’est après tout la justice ivoirienne face à elle-même. Dans le contexte politique de ni paix ni guerre qui est celui de la Côte d’Ivoire, juger le numéro un du principal parti d’opposition revient, pour le pouvoir judiciaire, à mettre dans la balance sa propre crédibilité.

 

Celle-ci va-t-elle conduire le procès du secrétaire général par intérim du Front populaire ivoirien (FPI) en toute impartialité, levant du même coup les soupçons d’inféodation à l’exécutif de certains, ou va-t-elle plutôt faire dans la justice des vainqueurs, comme le craignent les ouailles de l’ex-président, Laurent Gbagbo ? On attend de voir.

 

En tous les cas, l’affaire Laurent Akoun qui sera audiencée en principe à partir d’aujourd’hui vendredi 31 août 2012, aura valeur de test pour la magistrature sous la présidence de Ouattara.

 

Confronté à une grave situation sécuritaire avec les attaques répétées contre des camps militaires, le nouveau régime semble céder à la fébrilité. Au risque d’instaurer ou de laisser instaurer, comme le redoutent certains, un climat de terreur sur l’opposition politique.

 

Face à ces soubresauts qui menacent la stabilité du pouvoir, l’on ne peut faire grief aux nouvelles autorités d’interpeller tous ceux qu’elles suspectent d’intelligence avec les fauteurs de troubles. Si leur culpabilité venait à être établie au terme d’un procès équitable, alors qu’ils soient punis à la hauteur de leur forfait.

 

Mais dans cette affaire Akoun, à la lumière des charges retenues contre le prévenu, il est difficile de distinguer l’acharnement politique de la justice républicaine, car ce qui est reproché à l’actuel secrétaire général du FPI n’est ni plus ni moins que du délit d’opinion. Arrêté le dimanche 26 août dernier alors qu’il se rendait à un meeting à Adzopé puis placé sous mandat de dépôt, Laurent Akoun est poursuivi pour «propos diffamants à l’égard du chef de l’Etat». Synonyme pour la justice ivoirienne de «troubles à l’ordre public».

 

On sait que cette arrestation est intervenue après que l’intéressé a déclaré que le «régime installe un modèle totalitaire», que «les hommes du pouvoir ont attaqué le siège du FPI et brûlé le siège du quotidien Le Temps», que «tous les Ivoiriens n’ont pas droit à la parole».

 

Franchement, si un opposant ne peut pas djafoule de cette manière sur un pouvoir sans être inquiété, c’est qu’il y a dérive totalitaire. Du Maccarthysme à la djoublé. Et en embastillant de la sorte l’auteur des «propos diffamants à l’égard du chef de l’Etat», le pouvoir ne fait que confirmer la critique qui lui est adressée.

 

Les juges sauront-ils s’élever au-dessus de cette guéguerre politique en rendant une justice au nom du peuple ivoirien et non de celui des forts du moment ?

 

Une fois de plus, on attend de voir.

 

par Alain Saint Robespierre - L’Observateur Paalga (Burkina Faso) 30 août 2012

 

en maraude dans le Web

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

le-cercle-victor-biaka-boda

  

source : Connectionivoirienne.net 31 août 2012

 

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 12:22

Aujourd’hui, la parole à Kouacou Gnrangbé, délégué départemental du Pdci de Yamoussoukro

 

« Je ne comprends pas pourquoi la candidature du président Bédié peut susciter des débats. Bédié est aujourd'hui l'homme de la situation. D'ailleurs je l'ai dit lors de l'investiture, il est devenu aujourd'hui l'homme de la situation en Côte d'Ivoire. Il est l’autorité morale de la Côte d’Ivoire. Parce qu'il l'a démontré au cours de la crise postélectorale. C'est lui qui a su modérer les ardeurs durant le terrible séjour à l'hôtel du Golf. Il a su contenir les extrémismes par ses conseils. Il est et demeure désormais une référence politique dans cette Côte d’Ivoire renaissante. (…). Dans cette position, je pense que c'est lui seul qui peut organiser le Pdci-Rda pour que tous ceux qui veulent être candidat au poste de président, lui étant neutre, puisse juger sans complaisance et sans se tromper. Parce qu'il n'est plus dans l'arène. C'est pourquoi je pense que Bédié, président du Pdci Rda, ne souffre aucune discussion. Il doit être président du Pdci pendant au moins cinq ans encore, pour permettre aux jeunes de se préparer à assurer cette fonction délicate. (…). »

Propos recueillis par Jean Paul Loukou

(source : Le Nouveau Réveil 1er octobre 2012)

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 12:08

Aujourd’hui, la parole à Tirbuce Koffi

 

« Le sentiment qui m’anime, en ce moment, est un sentiment de colère. Pour deux ou trois raisons. Depuis que j’ai pris la tête de l’Insaac, je crois avoir été le seul Dg à avoir été attentif aux préoccupations des étudiants et du corps professoral. Cela fait près de dix mois que je suis là. Chaque jour, j’ai visité les salles de classe, je discute avec mes étudiants, avec les professeurs. Je considère cette grève comme une rupture de confiance entre mes étudiants et moi. Je leur ai dit qu’ils m’ont trahi et que désormais entre eux et moi, ça sera la politique du bâton. Je suis venu leur servir la poésie et ils m’ont servi les épines. Depuis que l’Insaac a été créé en 1991, il ne s’est pas passé une seule année où les étudiants ne se sont pas mis en grève. C’est sous Tiburce Koffi seul qu’il y a eu une année académique sans grève, c'est-à-dire l’année académique 2011-2012. Peut-être que ce fait gêne certaines personnes. Donc, il faut tout faire pour entacher celle qui commence, l’année académique 2012-2013, avec une grève. »

 

(source : LG Info 28 Septembre 2012)

 

« …désormais entre eux et moi, ça sera la politique du bâton »

 

Rappelez-vous : c’était en décembre 2011. Tiburce Koffi raconte avec délectation une aventure qu’il vient de vivre :

 

« Ce week-end, j’ai fait l’expérience du bien-fondé de la répression : feu rouge à un carrefour. Nous sommes tous immobilisés. Un conducteur de wôrô wôrô, au mépris des feux, passe. Comme tout le monde, j’observe, écœuré et impuissant, la scène. Soudain, sortent de l’ombre, cinq éléments des Frci qui suivaient, cachés, les manœuvres des conducteurs indélicats. Ils font sortir le conducteur de sa voiture, lui retirent ses pièces. Je sors, moi aussi, de ma voiture, et je les rejoins. Je leur explique qu’il est inutile de lui arracher ses pièces, car il a les moyens aussi bien légaux qu’illégaux de les retirer et pis, de récidiver ! Que faire alors ? Je leur propose une autre solution : qu’ils ôtent le pantalon du délinquant et qu’ils le flagellent, là, dans l’obscurité, jusqu’à ce qu’il urine sur lui, devant nous ! La méthode leur a paru curieuse, voire douteuse. Je les ai rassurés de son efficacité en leur disant qu’elle s’appelait d’ailleurs MGO (Méthode Gaston Ouassénan – du nom de son illustre inventeur, général d’armée de son état). Après mon bref exposé scientifique sur la question, l’un d’entre eux (ça devait être le chef) a mis en pratique mes consignes. Ensemble, nous nous sommes délectés des cris de douleur du délinquant. Oui, ce fut un agréable supplice ! Puis, celui qui semblait être le chef a dit : "Kôrô, on dirait que tu as raison, dêh ! Ça là, mogo-là ne va plus jamais griller feu dans pays là !" La flagellation publique comme punition légale aux contrevenants ? Songeons-y sérieusement ! »

 

Héé ! Type-là ment, dêh ! Ce n’est pas « désormais », puisque ça fait longtemps il est pour « la flagellation publique comme punition légale aux contrevenants »…

M. Amondji

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 12:01

Alors que des problèmes sérieux se posent à l’Afrique, les dirigeants des (anciennes) colonies françaises de ce continent n’en finissent pas de s’acoquiner avec les autorités de Paris, à la recherche d’un nouveau souffle pour l’asservissement à une France incapable de renoncer aux pratiques les plus avilissantes du colonialisme. Et ce n’est pas parce que le président français joue sur les mots en disant qu’à Kinshasa, lors du sommet de la Francophonie « il y aura la France et l’Afrique, et qu’il ne sera pas question d’associer la France et l’Afrique » qu’il faudrait croire que la Françafrique, ce système de relations de dupes entre la France et ses (anciennes) colonies aura vécu. Pour faire bien, on tente parfois de donner à la francophonie les allures du Commonwealth. Et pourtant, l’histoire a montré depuis toujours que les conceptions des relations avec les colonies n’ont jamais été les mêmes selon qu’il s’agisse de la France ou de l’Angleterre. Même si dans les deux cas on recherche le profit, les Français ont toujours eu un comportement qui tend à nier aux Africains toute personnalité, toute dignité ! Aujourd’hui, malgré les indépendances, le regard des Français sur l’Afrique n’a pas varié d’un pouce.

 

L’Afrique francophone : la basse-cour de la France !

 

L’image de la basse-cour, c’est ce qui convient le mieux, lorsqu’on veut parler des relations de la France avec les pays francophones d’Afrique. Aujourd’hui encore, les pratiques dégradantes de la Françafrique font de ceux qui sont à la tête des Etats africains des responsables régionaux, des sortes de préfets de seconde zone, et leurs peuples subissent le dédain raciste, pendant qu’on parle de partenariat. Tout le monde sait que, non contente d’être un marché captif à maints égards pour la France, l’Afrique francophone va jusqu’à loger ses devises dans le Trésor de la France ; cela fait que l’Etat français a un contrôle exclusif absolu sur les économies des Etats de cet espace africain. Le Franc cfa, cette monnaie coloniale, est aujourd’hui la plus grossière arnaque qui puisse exister en matière de relations internationales. Le plus dramatique, c’est qu’on s’échine à faire croire que les Etats africains trouvent leur compte dans cette grotesque duperie. C’est un paternalisme avilissant que subit l’Afrique par la cupidité de dirigeants sans envergure, qui ne doivent souvent leur place qu’aux coups bas de la France des réseaux qui est en Afrique cette Françafrique ! Et ce n’est pas parce qu’un certain Abdou Diouf, après avoir dirigé le Sénégal, n’a pas pu se faire à l’idée d’une retraite méritée, et s’est retrouvé avec ce strapontin peu flatteur de secrétaire général de ce machin néocolonial, qu’il faudrait y voir une institution de coopération entre Etats. La francophonie est aujourd’hui le pilier visible le plus actif de l’action colonialiste de la France en Afrique. Pour la petite histoire, Monsieur Bernard B. Dadié, homme de lettres ivoirien bien connu, s’est vu refuser le visa par la France, en 2010, alors qu’il devait prendre part, en tant que membre à part entière, à une réunion important de la francophonie à Paris. La raison : ses prises de positions dans le complot électoral franco-onusien en Côte d’Ivoire déplaisaient aux autorités de la France. D’ailleurs on a vu après, sans surprise, Abdou Diouf, le secrétaire général de cette institution, voler au secours de la France, dans sa guerre en Côte d’Ivoire, par des prises de positions indignes de l’ex chef d’Etat qu’il est !...

 

À quand donc « l’âge d’or » pour l’Afrique ?

 

Nous entendons par « âge d’or », le temps où les Africains auront acquis le respect des autres. Le temps où sera abandonnée cette vision réductrice qui présente les Africains comme les dindons d’une farce grotesque. Le fait est que pendant que dans les Etats africains non francophones, on peut sentir comme un vent de dignité, dans la partie francophone, c’est l’aplatissement total, avec des comportements à faire honte même à l’idiot du village.

Il y a peu, Thabo Mbeki, l’ex-chef d’Etat sud africain, donc d’un pays anglophone, fustigeait la caducité des textes de l’ONU, et tançait durement l’Ua et les Africains pour leur tiédeur (le mot est faible) quand il s’agit de prendre position pour défendre un Etat africain. Cette semaine, c’est Paul Kagamé, un ex-francophone qui a tourné vers la langue de Shakespeare, qui déclare que « l’Afrique n’a de leçon à recevoir de personne ! » A côté de cela on a vu, il n’y a pas longtemps, les chefs d’Etats francophones d’Afrique, Laurent Gbagbo (alors chef d’Etat) excepté, s’aligner pour aller faire la fête nationale en France. Et il y a quelques jours, ce sont les ministres des Finances de ces mêmes Etats francophones qui sont allés à Paris, avec au premier rang, Alassane Ouattara, le « préfet de seconde zone » que la France a placé au pouvoir en Côte d’Ivoire, après avoir chassé Laurent Gbagbo avec des bombes. Ils sont allés fêter l’esclavage financier que subissent leurs pays, avec le franc cfa.

Ces exemples pour dire que pendant que dans les pays anglophones, des voix s’élèvent pour parler de dignité de l’Afrique, dans les pays francophones, c’est toujours le statu quo colonial. On continue de s’aplatir devant la France, et on n’a pas honte de se ridiculiser avec des attitudes et parfois des propos aussi niais que lâches. Comme cette réponse de l’Ivoirien Charles Konan Banny, ancien gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) : à l’occasion de la fête des 40 ans du cfa, fête de l’esclavage financier, dernièrement à Paris, un journaliste s’est hasardé à demander à l’ancien gouverneur de la BCEAO si et quand les Etats africains envisageaient de créer leur propre monnaie. Monsieur Banny, à la manière de « Toto » qui voudrait faire de l’esprit, a demandé au journaliste de quoi il parlait. Puis il a poursuivi, à peu près en ces termes : «  Nous avons une monnaie à nous, qui est le franc cfa ! Et si c’est une affaire de mot, on peut, pour vous faire plaisir, remplacer cfa par autre chose ; mais nous, nous n’avons pas du tout le sentiment de ne pas avoir une monnaie à nous… ». Voilà, sans commentaires, le propos d’un ex-haut fonctionnaire de l’esclavage financier que la France exerce sur l’Afrique francophone. Avec çà, on a de quoi être sceptique devant les campagnes pour la francophonie, et se demander avec insistance : à quand « l’âge d’or » ?

Que Dieu nous protège !

 

Nda Adjoua Suzanne, enseignante.

 

EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «crise ivoirienne ».

 

Source : La Dépêche d'Abidjan 13 Octobre 2012

Partager cet article
Repost0